A Portsmouth, l’arrivée de mon père m’encourage à traiter le problème une bonne fois pour toute : dépose des safrans, de la barre de mèche centrale, changement des rotules, des 3 clavettes, compensation du jeu des bras dans les mèches, polissage et graissages en tous genres…
2 sorties de l’eau et 2 semaines de travail plus tard… si la facture est salée, la barre n’a jamais été aussi douce!


Réveil à 5h30. Nous quittons le port de Hampton avant l’aube, et mettons le cap sur Cape Charles, à l’embouchure de la baie de Chesapeake.
Premier contact avec l’océan depuis Miami. Nous avons choisi de couper au plus court et de filer par la mer. New York nous appelle. Après 4 mois sous génois seul, la grande voile est de nouveau hissée. Le vent est hésitant, la légère houle devrait nous rappeler que les règles du jeu ont changé… Je laisse mon père à la barre et descends me coucher. Sur les conseils d’un plaisancier local, nous restons à 2 miles des côtes.
Je dors depuis un moment dans le carré quand une vague vient s’abattre comme une gifle, elle balaye littéralement le pont et s’écrase violemment dans le cockpit. Je saute sur le pont, l’esprit embué. L’horizon est blanc, le bateau cerné d’écume. Incrédulité. Coup d’œil au sondeur : 1,40m. Panique. 1,40m d’eau à 8km des côtes… Un haut-fond. On va se faire drosser.
La carte! Mauvaise échelle, les sondes des 10 premiers miles ne figurent pas. Mon père, à la barre, hurle les coordonnées GPS. Faire le point. C’est où la sortie!? Un autre cap, vite. A l’est, ça semble pire. Faire demi-tour. Le sondeur descend à 1,20m : vision de cauchemar. La mer est courte, hachée. Pando tombe lourdement dans chaque creux. Est-ce qu’on touche? Le moteur est à fond. Fuir, fuir ce trou à rat.
Quand, cinq horribles minutes plus tard, le sondeur se décide à remonter, l’écume n’est plus que sur nos visages. Sentiment de revenir de loin.
Petit rappel océanique, façon… grande claque dans la gueule.
Quitter le « mode fluvial », et vite! Se « reconnecter ». Scruter le ciel et déchiffrer l’horizon.

Plus tard, nous apprendrons que nous avons traversé un haut-fond (shoal) parfaitement cartographié, baptisé Nautilus… Nous maudissons le marin d’eau douce qui nous a conseillé de rester près des côtes et mettons cap plein large.
La pression redescend, à l’inverse de mon envie de gerber : typique. 3g de vitamine C et un antihistaminique plus tard, le problème est réglé. Côté vent, c’est moins simple, le SE annoncé n’est pas du tout au rendez-vous. La brise Perkins est la bienvenue pour appuyer les voiles. Je n’ai pas fait le plein avant de partir, confiant dans la NASA qui nous promettait une traversée rapide. A ce rythme, il va falloir relâcher à Ocean City, THE station balnéaire du Maryland, en profiter pour acheter une vraie carte d’approche et attendre que le vent tourne. La nuit tombe, nous filons doucement. Nouilles chinoises. Mark Knopfler dans le cockpit. Demi-lune. Je fais le premier quart, jusqu’à 02h00. C’est peut-être ma dernière nuit en mer de l’année : la savourer.
***
Quand mon père me réveille, l’aube pointe. Nous ne sommes plus très loin d’Ocean City. Sans carte d’approche. Le stress revient. Peur des hauts-fonds. Aucun bateau dans le coin pour nous dire si la voie est libre. Je décroche la VHF et appelle les Coast Gard, sur le 16 :
– Good morning, sir. This is Pandorak, a french sailing boat. We want to enter Ocean City. Our position is 6 miles east of the red buoy R4. We don’t have the right chart. Could you tell us if there is any shoal on our way to the inlet?
– Sorry captain, but I can’t give you this information.
J’ai pas dû être clair… je recommence :
– Sir, we don’t know the depths. We’ve just lost our chart (bon là j’invente). We just need this information. Our draft is 3 feet (ma voix se fait presque suppliante) Thank you very much for helping us…
– Sorry Captain, I am not allowed to give you this information.
Pour le coup, je suis scotché. Dois-je me mettre à genoux? Je suis en mer. Le type a le cul sur sa chaise, il connaît le coin et sait où on est. Il n’a qu’un mot à dire : SHOAL OU PAS.
Il ne le dira pas. Je retente. Peine perdue. C’est le coup de grâce. Et LE DEVOIR D’ASSISTANCE EN MER BORDEL?? L’ARTICLE 67-545 DU CODE PENAL??
Surtout, ne pas les haïr.
Tous ces connards en uniforme. Tous ces pauvres types inutiles, dans leur bureau climatisé, le colt en évidence. Et toutes leurs règles à la con… l’Amérique déborde de règles à la con. Ce pauvre type doit sans doute respecter une de ces règles… une règle inconnue des gens de mer, qui ont su en imposer une autre, au fil des siècles : la solidarité.
A QUOI SERT UN COAST GUARD US?
A garder la côte. Pas à dépanner un petit voilier jaune. N’oublions pas que l’USCG est la « première ligne de défense du pays ». oulaa, ça rigole pas… une attaque des USA par la mer, évidemment…
Je suis pas prêt d’oublier la leçon. Les Coast Guards ne sont pas les gars du CROSS. Les sauveteurs US ne sont pas les bénévoles de la SNSM. Sans doute faudrait-il lâcher un bon paquet de dollars à un remorqueur pour obtenir ce genre d’informations?
Bon, y avait pas de shoals du tout. On y est allé tout doux, les yeux rivés sur le sondeur, et on est rentré sans problème. Que risquait-il à nous le dire?
***


Nous qui espérions arriver avant la nuit…
Nous progressons pourtant au bon plein dans l’immense baie intérieur de NYC mais l’Hudson, très puissant, nous refoule… comme pour nous forcer à attendre encore un peu…
Et puis la nuit tombe. Progressivement, les lumières grossissent. Le spectacle peut commencer…

longtemps le plus long pont suspendu du monde
Il a été baptisé en l’honneur de l’explorateur italien Giovanni da Verrazano, le premier Européen à avoir franchi les Narrows et à avoir posé le pied sur l’actuelle New York, le 17 avril 1524. Il cherchait un accès vers le Pacifique…







9000 NM, soit 16.668 km parcourus.



Parc sur Manhattan

sans doute la gare la plus filmée au monde.



Il faut s’imaginer les tours jumelles deux fois plus grandes que les building voisins

Washington Bridge : remontée de l’Hudson : temps d’hiverner Pando !


les hivers new-yorkais sont rudes
2009 aura été un très grand cru.
Merci Pando…
Soyez le premier à commenter