– You wanna leave tomorrow ?… but Danny arrives !Le patron du port de Morhead City tient absolument à nous montrer les images du petit Danny…… première dépression tropicale de la saison et son cortège de rafales à 50 nœuds, qui s’approche jusqu’à caresser le Cap Hatteras, la pointe orientale de la Caroline du Nord.
Nous savions déjà que nous étions sérieusement en retard sur la saison mais cette annonce nous booste : cap au nord, et vite !
Au Nord de Morehead City, justement, commence cette étrange excroissance du littoral américain, réunissant les baies de Pamlico (le plus grand lagon de la côte Est des États-Unis) et d’Albermarle, séparés de l’Atlantique par un fin cordon sablonneux : les Outer Banks.Une protection naturelle bienvenue, car de l’autre côté de ce cordon, la façade atlantique de North Carolina porte le gentil sobriquet de Graveyard of the Atlantic (le cimetière de l’Atlantique). Inutile de préciser qu’on reste bien à l’intérieur…Mais « l’intérieur » justement, est tout sauf lacustre : à cause de sa faible profondeur, l’Albermarle Sound peut être assez « choppy », par vent d’est, tendance amplifiée par les mascarets des rivières qui s’y déversent. Nous le traversons à la vitesse misérable de 2 nœuds, dans un mauvais clapot.
De l’autre côté de l’Albermarle Sound commence le canal de Dismal Swamp (littéralement : le « Marais Lugubre »), œuvre de 35km de long conçue par le président George Washington, qui marque la frontière entre les états de Virginie et de Caroline du Nord.C’est le plus vieux canal artificiel encore utilisé aux États-Unis (1805). Par son étroitesse et ses arbres qui font comme un tunnel de verdure, c’est un peu le Canal du Midi version US (sans les platanes…).
Au bout du canal, la ville de Norfolk, porte d’entrée du plus grand estuaire des États-Unis : la baie de Chesapeake.
A Norfolk, Noah retrouve son grand-père. Il nous avait quitté à Fort Lauderdale (Floride).3 mois plus tard, il est de retour à bord de Pando pour nous aider dans la dernière étape.La baie de Chesapeake englobe trois états différents (Delaware, Maryland et Virginie, d’où le nom de la péninsule : Delmarva) ainsi que le District de Columbia (via le Potomac).Le 14 mai 1607, trois navires anglais, Susan Constant, Discovery et Godspeed (un nom bien arrogant : il n’allait pas plus vite que Pando…), partis de londres 5 mois plus tôt, atteignent l’embouchure de la rivière James, à l’entrée de la baie de Chesapeake. Le capitaine a 27 ans. Il se nomme John Smith.Avec ses 104 hommes, il débarque sur une île de la rive gauche de la James River et établit un campement.
Jamestown est le plus ancien établissement de colonisation anglais permanent des États-Unis actuels.Les colons doivent affronter un hiver rigoureux et les attaques incessantes des indiens Algonquins.En décembre, John Smith est capturé par les tribus locales qui le condamnent à mort. Il est sauvé de justesse par la fille du chef Powhatan, une certaine… Pocahontas.Le 20 août 1620, un navire hollandais débarque les 20 premiers esclaves africains.Originaires du golf de Guinée, ils travailleront dans les plantations.Le commerce triangulaire peut commencer…
La pirogue monoxyle indienne : on brule lentement un tronc,
avant de creuser la partie consumée avec des coquillages…
La même année, les Pilgrims Fathers, des dissidents religieux puritains, débarquent du Mayflower et fondent la colonie de Plymouth. Les Anglais formant le groupe ethnique majoritaire parmi les premiers colons venus s’installer, l’anglais devient la langue qui s’impose naturellement. Pourtant, en comparaison avec la Nouvelle-France et la Nouvelle-Espagne, la Nouvelle-Angleterre occupait un espace beaucoup plus restreint du Nouveau Monde…« Ainsi, le colon se construisait une identité qui ne pouvait être qu’anglaise. S’il lui arrivait d’ajouter des mots indiens dans son vocabulaire (toboggan, mocassin, squaw, etc.), des mots français (prairie, bureau, etc.) ou des mots néerlandais (boss, yankee, etc.), s’il se vantait de moderniser l’anglais, il admettait en même temps qu’il valait mieux ne pas employer des américanismes perçus encore comme une «exagération». De cette façon, le colon ne serait pas un «sauvage» et saurait repousser l’influence de l’Espagne et de la France. »
Pour résumer : ils se pointent un siècle après les Espagnols, ils s’emparent de la Nouvelle-Hollande (Connecticut, New Jersey, Delaware, New York), ils déboutent les Français… et 400 ans plus tard, le jackpot : la planète parle anglais.
Et tout ça à cause d’un jeune couillon de 27 ans, parti fonder la Virginie.
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