Along the Indian River

indianriverIndian River, Floride.
noahreveilindian207h00 du matin : réveil « asiatique ».

catapeCa tape déjà.

Nous avons fini par nous extraire de Fort Lauderdale et de l’immense zone résidentielle entourant Miami.

departfortlauderdalePeu à peu, les villas de millionnaires s’espacent.speedboatLa nature reprend pied. De la mangrove, d’abord. Puis une végétation et une faune franchement tropicales. noahrivesrivesLes rives défilent. Dès l’aube, il fait une chaleur à crever. Autour de nous, le vol incessant des pélicans qui se laissent violemment tomber en chute libre dans l’eau, avant de refaire surface le bec chargé.

pelicans

Des aigles (pygargues) à tête blanche, l’emblème national. Des dauphins, tellement qu’on ne tourne plus la tête. Et des lamantins (manatee), plus rares, grosses vaches marines qui, elles, déclenchent mes hurlements hystériques. Leur taille, surtout, me surprend chaque fois (environ 4m).poiscaille

Face à la richesse évidente de cette faune aquatique (gage d’une eau propre), je me suis longtemps demandé pourquoi aucun américain ne faisait trempette dans l’Intracoastal… Jusqu’au jour où j’interpelle les occupants d’une barque, fixant un tronc d’arbre, à demi-immergé, dans les roseaux. Un de ces nombreux troncs d’arbre sans intérêt qui bordent la rive…

–          What are you looking at ?
–          Alligator.

Bon, la piscine, c’est pas mal non plus.croco

Nous profitons de chaque brise pour envoyer le génois, qui nous fait gagner un peu de vitesse. Mais nous sommes lents. Extrêmement lents. Infiniment lents. Au moins autant que sur le Rhin. C’est dire… en fait, nous progressons à la vitesse d’un marcheur qui entreprendrait de remonter toute la côte Est américaine à pied. Les voileux ricains nous répètent que nous devrions passer par la mer en longeant la côte et fuir ces ponts et ces méandres inutiles.noahdort

Mais notre programme n’est pas la mer, mais bien la terre. Les terres. Celles que borde l’Intracoastal Waterway : une voie navigable sans équivalent, ni fluviale, ni maritime, ni lacustre, ni côtière, ni douce, ni salée : mais tout cela à la fois. En fait, le plus simple pour se représenter l’ICW, c’est d’ouvrir Google Earth à n’importe quel endroit du littoral est américain, entre Miami et Boston. Et de zoomer. Encore et encore… Jusqu’à ce qu’une ligne apparaisse, comme un deuxième littoral, en retrait du premier, à l’abri dans les terres. Parfois étroit et sinueux (comme en Géorgie), d’autre fois large et rectiligne (comme en Floride). Une voie parcourue de milliers de rivières, lacs, inlets… mis en réseau par l’U.S. Army Corps of Engineers, aux noms bucoliques : Alligator River, Cape Fear, Mosquito Lagoon, Haulover Canal, Hell Gates…ile

« Well then, if the Intracoastal Waterway isn’t a narrow, tree-chocked, hazard filled obstacle course, what is it ? The answer is : it is water. Water in wide sounds where the shore isn’t visible, water in canals and land-cuts, water in rivers, water in creeks and water in bays. It is deep water, shallow water, blue, green, grey and brown water… »heronDes grains de fin du monde éclatent souvent en soirée. En cette saison, les ciels de Floride témoignent d’une énergie peu commune : les heat lightning, des éclairs sans éclairs, c’est comme si quelqu’un s’amusait là-haut à jouer avec le disjoncteur principal. On/Off. On/Off. J’apprendrai plus tard d’un taxi driver que la Floride est « the Lightning Capital of the World, dude ! »… je veux bien le croire.grain

Les averses qui accompagnent souvent ces grains laissent songeur : les rues des grandes villes s’inondent en une demi-heure et deviennent vite impraticables, rien n’ayant été prévu pour drainer l’eau. Etrange première puissance au monde qui se retrouve systématiquement les pieds dans l’eau à la première averse. Vu le manque d’investissement fédéral dans un réseau routier de qualité, je commence à comprendre le goût des américains pour les voitures aux roues de camion : les riches roulent en 4×4 et les pauvres attendent la décrue…

Voilà le paradoxe qui ne manque pas de nous surprendre depuis notre arrivée en Floride : malgré la violence manifeste de la nature, les « maisons » en bois (en français : des bungalows) ressemblent souvent à des fétus de paille prêts à s’envoler au moindre cyclone (hormis les villas de millionnaires). Quand on pense à l’absence totale de protection du littoral floridien (la Hollande sans ses digues), à l’omniprésence de l’eau dans les terres (30.000 lacs en Floride…), à la trajectoire des hurricanes (qui aiment le coin) et au réchauffement climatique… mieux vaut investir dans un bateau.vhfNaviguer sur l’ICW en Floride, c’est demander l’ouverture d’une quinzaine de ponts par jour par VHF … bon, une voix féminine fait des miracles.pontournant

En quittant Fort Lauderdale au lendemain de l’Independance Day (un vague feu d’artifice sans intérêt… le film était plus drôle… Steve affirmera «  la majorité des américains ne savent même pas à quoi correspond cette date), j’avais une date précise en tête : le 11 juillet à 19h00, nous devions être à Cape Canaveral pour assister au lancement de la navette spaciale Endeavour qui devait rejoindre l’ISS avec 5 astronautes à son bord. On veut pas rater ça!noahdort2

A l’heure dite, Pando est aux premières loges, la rampe de lancement du Kennedy Space Center étant bien visible depuis l’Intracoastal.carte

Mais la forte couverture nuageuse entraîne l’annulation du vol. Nous l’avons guetté pendant 3 jours… avant de le rater le quatrième ! Arggh!décollage

Cap sur Saint Augustine : la plus ancienne ville des États-Unis.augustine

Fondée par les Espagnols en 1565… après y avoir délogé les français qui avaient reconnu en premier la côte de Floride et fondé un poste sur place.carosse

Enfin autre chose que des buildings et des larges avenues…sunshine

Depuis l’Intracoastal, la silhouette de la ville, avec ses clochers, évoque une ville européenne. Tellement plus belle. Oui, ça fait chauvin mais j’assume. La beauté des bâtiments et des villes US m’échappe encore. Un incroyable aspect toc se dégage souvent des villas les plus luxueuses, avec leurs fausses cheminées en pierre, leurs colonnes massives évoquant une Grèce de pacotille, le kitsch de leurs statues de jardin, leurs fausses toitures toscanes. Le réel charme de ces villas américaines est incontestablement dans les jardins, qui débordent littéralement de chênes centenaires, de cyprès immenses et d’une nature débridée qui n’existe plus chez nous.fontaine

Les ruelles pavées de Saint Augustine et les maisons de style colonial me rappellent les quartiers historiques de La Palma et de la Gomera. Ici, tout est « the oldest of the US » : la première pharmacie, la première école, la première prison…wood

Dans ce pays si jeune, la passion des américains pour leur propre histoire (et la généalogie en particulier) n’en finit pas de nous frapper. Demandez l’heure ou votre chemin à un américain : s’il reconnaît à votre look ou votre accent que vous venez d’Europe, il déclinera spontanément ses origines européennes (même vieilles de 3 siècles), en déclinant le nom de son aïeul, avec une pointe de fierté souvent manifeste d’avoir des racines sur le vieux continent, synonyme absolu de culture et de savoir-vivre. Je connais personnellement peu d’européens capables de me citer les noms et métiers de leurs ancêtres du XVIIIe siècle…canon

Pour l’anecdote, les Pays-Bas (qui ont fondé New-Amsterdam/York) n’existent toujours pas en Amérique : j’attends encore de croiser un plaisancier américain qui ne s’écrie pas « Bonjour ! » à la vue de notre pavillon certes tricolore… mais batave.travailbois

Le Spanish Quarter Living History Museum retrace fidèlement ce à quoi la ville ressemblait en 1740. Le concept de ce « musée vivant » vaut vraiment le détour, puisque tous les « acteurs » de ce village (menuisier, forgeron, artisan du cuir, cordelier, etc…) n’ont rien d’autre à faire, hormis leurs activités respectives, que de tailler de longues bavettes avec les curieux. Tous ont en commun un rejet franc de la société de consommation, du plastique, du gaspillage, du « made in china » et un amour du travail manuel bien fait. Le cordelier, un ancien cadre supérieur, nous avoue : « j’ai travaillé comme un fou pendant 16 ans dans une grande boîte, juste pour mettre de la viande sur la table. C’était horrible. Et puis j’en ai eu assez, j’ai eu envie de changer de vie ». Brad, le menuisier anglais qui fait des merveilles sans outillage électrique, se laisse aller aux confidences en nous dévoilant son rêve : acheter une vieille ferme en bois à rénover et 10 hectares de terre en Pennsylvanie. « Juste pour ne pas me laisser envahir… vous savez, ici c’est encore possible… la terre ne coûte rien et ce pays est immense ». Le rêve américain tendance Amish ?oldhouse

A l’intérieur de ces maisons, une étrange fraicheur. Pas de fenêtre sur la façade orientée au soleil, mais d’immenses, se faisant face, sur les autres façades. Il soupire : « l’air circule bien. A l’époque, ils savaient encore construire des maisons. Pas besoin de climatisation… »oldhouse2

 

Bien droit sur ma chaise, un verre de Budweiser vide en face de moi, mes yeux se ferment doucement : la chaleur de la ville est telle que la climatisation du café me fait l’effet d’un coup de bambou. Heureusement, le patron veille. Il interpelle Ellen « he’s not allowed to sleep here. It’s against the Law”.

Voilà LA phrase US. Celle qui explique les villas de millionnaires et les maxi-yachts. Miami débordait de publicités sur panneaux géants avec le même mot : attorney par ci, attorney par là. Le paradis des avocats. Alors pour éviter d’être victime d’une quelconque plainte à 2 balles, les américains se barricadent derrière des montagnes d’avertissements, sous forme de petits écriteaux discrets, du style « il est interdit d’entrer dans ce restaurant (au plancher vermoulu et aux lattes disjointes) avec des talons aiguilles », « si vous avez des problèmes d’obésité ou de diabète, nous vous déconseillons certains plats de notre restaurant… », etc, etc.

Les américains ont un problème avec l’ordre. Comme s’ils craignaient qu’un léger relâchement de la société conduirait irrémédiablement à l’anarchie totale. Ou pire encore : un pays où les clients s’assoupiraient librement à la terrasse d’un café.

Les douches pour hommes de la marina sont vides. Noah dans son buggy, nous pénétrons dans le local dans le but de le doucher. Un employé  zélé nous hèle : la présence d’une femme dans des douches pour hommes, même vides, est against the law. Même quand cette femme est une mère qui veut juste doucher son enfant avec l’aide du père. Vous avez dit « psychorigide » ?

Nous sommes à la terrasse d’un café à Melbourne, Floride. Le matin, j’avais lu sur internet la sordide affaire Cheb Mami et le verdict : 5 ans de prison ferme (personnellement, je lui en aurai bien filé le double). Je déplie la gazette locale. Une enseignante de 38 ans ayant eu des relations sexuelles avec un étudiant consentant de 16 ans écope de 5 ans de prison ferme. La photo montre une pauvre femme en larmes, menottes aux poignets, encadrée par 2 policiers. Cette mère divorcée perd la garde de ses quatre enfants, portera un bracelet électronique pendant 10 ans après la peine, sera interdite à proximité des écoles. « Under state law, she will be labeled as a sexual predator for the rest of her life ».

Ici, 5 ans de prison ferme pour une relation amoureuse consentie entre une femme et un jeune homme (a child : 16 ans !). Chez nous, 5 ans de prison pour un acte de barbarie pur. Deux démocraties, deux idées de la justice…

Ici, les lois sont claires. Sensation très nette. Pas de circonstance atténuante. Le sentiment qu’ici, une petite faute ne sera pas pardonnée. Sous la façade de l’American way of life, je perçois de plus en plus un système autiste, à l’image de ce flic formaté de l’aéroport de Miami, à la dégaine de shérif, débitant avec une voix de robot les consignes apprises par cœur. Sorry, madam. You are not allowed to make a phone call. Inutile de parler avec un flic américain : il est pas programmé pour ça. La récente affaire Gates-Crowley, qui fait grand bruit ici, apporte une preuve supplémentaire du « zèle » schizophrène des flics.

Alors on marche pas sur les pelouses et on exhibe notre mascote…noahfab

Demain la Georgie !sourirenoah

Un commentaire

  1. stephane
    02/12/2017
    Reply

    j adore !!!

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