Au fil des fjords

Un anticyclone s’est installé sur toute l’Europe : la Mer du Nord est méconnaissable. La traversée se fera en l’absence presque totale de vent, sur un reste de houle mollissante. Nous alternons longs bords sous spi et moteur.

Les quarts s’enchaînent presque trop facilement. En confiance totale lorsque Michael est à la barre, je redécouvre le luxe de bien dormir en mer ! A l’aube du 4e jour de mer depuis Harlingen, la Norvège se profile enfin à l’horizon.

Velkommen til Norge !

Michael s’envole le jour même pour Amsterdam, et ma mère vient prendre le relai. Sur le ponton du port de Tananger, un pécheur à qui nous proposons d’acheter quelques crabes préfère nous les offrir… avec le paquet de sel pour la cuisson ! De bonne augure tout ça !

Le lendemain, nous mettons le cap sur le fjord de la lumière : le Lysefjord.

Long de 42 km et relativement étroit, ses falaises de granite s’élèvent par moment à plus de 1000 m au-dessus de l’eau. 

Dès l’entrée du fjord, le vent nous abandonne. Très vite, nous quittons le milieu du fleuve pour coller aux rives, parfois à quelques mètres seulement des falaises qui tombent à pic.

Pas d’inquiétude pour le tirant d’eau : la profondeur atteint par endroits les 400 m !

A 600 m au dessus de Pando, la chaire carrée du Preikstolen offre une vue impressionnante sur le fjord.

Vu d’en haut, la progression des rares bateaux qui remontent péniblement le fjord semble dérisoire. Le village de Lisebotn, à l’extrémité du long ruban bleu, parait absolument inatteignable, comme perdu aux confins du monde.

Si le panorama est envoutant, la forêt de duckfaces/selfie-sticks qui m’attendent au sommet vient pourrir l’ascension. Plus jamais ça! Je me contenterai désormais de ma vue en contre-plongée, seul sur l’eau !

Tout au bout du fjord, Lisebotn.Quelques phoques sortent parfois la tête de l’eau

Lysebotn : terminus !

Ballade dans l’arrière-pays

Sur les conseils avisés de ma mère, je fais l’erreur fatale de lui donner une carotte.
Il ne nous lâchera plus.

Village fantôme quelque part au nord d’Haugesund

En raison de la rudesse des hivers, le butane est introuvable en Norvège. Après un parcours du combattant, je déniche enfin une petite bouteille de propane de taille équivalente à ma Campinggaz (et son détendeur norvégien, au filetage différent à 10 microns près – vive l’Europe). Mission impossible sans vélo !

2 semaines après avoir quitté Tananger, nous atteignons Bergen, la deuxième ville du pays

Ancien comptoir de la Ligue hanséatique établi au XIIe siècle, Bergen était un centre de commerce prospère (notamment grâce au stockfisch, des filets de poisson séchés à l’air libre) reliant la Norvège au reste de l’Europe.

Rencontre avec le nouveau propriétaire français de l’Aventura III, l’Exploration 45 de Jimmy Cornell ! Le bateau de tous les superlatifs, capable de naviguer relax sur toutes les mers du globe. Pour le prix d’une vingtaine de Monsun 31. Bagatelle !

Les hivers doivent être rudes ici !

Ma mère est repartie et Ellen et les enfants me rejoignent enfin. Nous sommes amarrés sur le quai hanséatique de Bryggen, le quartier portuaire historique, jadis véritable colonie allemande.

Maisons en bois colorées du vieux BergenCrabe royal norvégien à 140 € le kilo. Bon. Je reste fidèle à mes sardines bretonnes.

Avec ses 240 jours de pluie par an, Bergen est championne d’Europe en la matière. Nous n’en verrons pas une goutte. Il faut dire que cet été 2018 est exceptionnel pour la Norvège : le reste de l’Europe est sous la canicule (46 degrés à Lisbonne, 25 ici). Le réchauffement climatique transformera inexorablement ce pays en Eldorado.

Mes calculs de marées pour quitter Bergen sont validés (ou plutôt corrigés) par un chaleureux couple de navigateurs norvégiens. Takk!

Après 4 jours ammaré à Bergen, Pando met le cap sur le 2e plus grand fjord du monde : sa majesté le Sognefjord
via la route ‘intérieure’ de Straumane, pour épargner la forte houle aux petits estomacs

Le soir, nous jetons l’ancre à Vestre Eidsvik, un mouillage de rêve
(hormis la patate à l’entrée de la passe…)

A quelques brasses du mouillage, je fais une razzia de moules XXL, que les Norvégiens semblent bouder Une tuerie !

Dessin pour Ellen et pêche à la palangrote (infructueuse) pour les kids : le fjord s’avère complètement vide ! Un norvégien me confiera que la surpêche a décimé les stocks de poissons dans la région. Certains accusent plutôt le réchauffement climatique. Quoi qu’il en soit, il faut monter beaucoup plus au nord. L’autonomie alimentaire en bateau : déjà un mythe ?

Au mouillage à Ortnevik, notre 3e escale sur le Sognefjord

Mouillage fantastique à Nausttangen

Découvrir des coins pareils à bord de son voilier est un sentiment indescriptible.Pas de douche à bord de Pando… c’est le moment ou jamais !
J’avais promis un feu à Noah.
Après une heure à lutter avec du bois mouillé, je vide ma lampe à pétrole, excédé, sur les branches. Ca prend enfin !

Dans le Finnafjord, une petite branche du Sognefjord

Au départ d’une ballade mémorable dans les nuages, à FresvikQuelques trads viennent à point nommé pour renflouer la caisse de bord, malmenée par le prix de la bouffe en Norvège
Nous apercevons régulièrement des marsouins dans le fjord (là c’est Ellen)

Toujours pas un seul voilier rencontré depuis le départ sur ce fjord gigantesque

Après 2 semaines de nav depuis Bergen, nous approchons enfin de l’Aurlandsfjord et du Nærøyfjord. Le  fleuve se rétrécit, le relief grimpe et la profondeur fait de même : 1 300 mètres sous le niveau de la mer !

Derniers miles en famille avant Flåm, terminus de cette longue route sur le Sognefjord.

Ellen et les enfants rentrent par le train. Et pas n’importe lequel ! Je continue seul vers le nord, par la mer.

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