Premières sensations

GRAND LAVAGE, jour 1.

Ciel bleu, cris d’enfants… et de l’eau, partout, lacs et mer, canaux et rivières, je ne sais toujours pas si l’eau sous la coque de Pandorak est douce ou salée… imbroglio unique au monde nommée la Zélande, le « Pays de la Mer » comme le traduisait si bien Richard avec sa voix toute thalassienne…

Den Ossse

Journée magnifique sur l’île de Schouwen-Beveland où Pandorak est amarré dans le petit port de Den Osse. Encore une fois, je suis le seul qui bosse… Un peu comme en juin dernier à Las Palmas, sur Unimak : la « plaisance » pour les autres, la plomberie pour moi. Dans un carré métallique qui flirte avec les 50 degrés. Sauf que cette fois-ci c’est vraiment pour moi, because Pandorak est mon voilier!

Mât
Mon voilier… Entre deux trajets vers les poubelles, je m’arrête, me retourne une nouvelle fois, comme s’il allait se volatiliser. Mais non, il est toujours là, à m’attendre sagement. Impossible de le quitter du regard. Les voisins de pontons ne semblent pas trop comprendre ces longues séances amoureuses de contemplation, au retour de chaque vidage de poubelle. Je n’en reviens toujours pas. 15 ans d’un rêve innoculé par Moitessier, Antoine, Janichon et les autres, pour contempler aujourd’hui, à 29 ans (ouf!) un petit voilier, qui se dresse fièrement dans un ciel cher aux peintres hollandais…

Pour l’instant, je jette. Tout ou presque. Armé de ma nouvelle cartouche de Ventoline, je m’active avec frénésie. J’ai récupéré une brouette avec laquelle j’enchaine au pas de course les allers/retours vers les containers. Les 6 couchages d’abord, responsables de mes crises d’asthme. Gilets de sauvetage, vaisselle, rideaux, linge, crème anti-hémorroïde, outils obsolètes, toutes ces vieilleries douteuses dont on hérite toujours après l’achat d’un bateau (sur Pandora c’était une panoplie complète de boites de sardines rouillées…).

A vue de nez, j’estime à 5 mois le temps nécessaire à la préparation du bateau. Mais pour cela, il faudrait encore que j’arrête de me farcir 5 heures de route pour travailler sur Pandorak.

Une seule solution : le remonter sur Amsterdam.

cygnes

Le départ était prévu à 10 heures du matin. Nous partons donc vers 16 heures. Pour un premier galop d’essai, la croisière va s’apparenter, encore une fois, à une course anarchique et sans préparation. Je dois en effet rejoindre Unimak en Espagne dans trois jours pour le ramener en Camargue. Et des traductions en retard se sont accumulées, pour Ellen comme pour moi. J’ai juste eu le temps de checker l’organe essentiel de cette balade : sa majesté Perkins, Perama M30.

zélande

En Hollande, il existe une route atypique traversant le pays du nord au sud et qui permet à un voilier de rejoindre, sans démâter, la Frise depuis la frontière belge: la « Route du Mât Debout ». Cette route, à peu de chose près, est celle que nous avons empruntée avec Richard, en avril 2004, à bord de Pandora. La seule différence, mais de taille, est que notre tirant d’air est passé de 2,50 m à 13,50 m…

Il va donc nous falloir attendre que la trentaine de ponts en tout genre qui traversent cette route fluviomaritime acceptent de se soulever d’une quinzaine de mètres pour nous permettre de passer.

denosse_départ Le départ est fidèle à la tradition miraculeuse du « complot »… celle qui veut que les anciens ne laissent pas partir les jeunes loups, manifestement mal préparés mais débordant d’enthousiasme, sans leur offrir ce qui se révélera par la suite absolument indispensable à leur voyage : un jerrycan de 10 l de gasoil de réserve, des cartes nautiques complètes et un Water almanach.

Le Perkins démarre au quart de tour, c’est de bonne augure, mais ce premier voyage va se dérouler comme avec Pandora : dans la peur permanente d’entendre son ronronnement s’éteindre brusquement, de préférence lors du croisement d’un supertanker de 110 m.

Les amarres sont larguées. J’enclenche doucement la marche arrière. À ma grande stupéfaction, Pandorak tourne littéralement sur lui-même, prouesse à laquelle Unimak ne m’avait pas habitué. Bi-safran ET manœuvrable au moteur, c’est possible!

départ_denosse

Brusquement, le petit port de Den Osse est déjà derrière nous.

Ellen_zélande

La suite ? C’est une croisière aux pays du souvenir, celui de trois fous partis à bord d’un container flottant, peint aux couleurs de l’Europe, en route vers l’Est…

Eau verte

Pales d’éoliennes géantes brassant des nuages cotonneux, péniches écrasées sous de noires dunes sablonneuses, moutons mastiquant sur la crête des vagues, voiles blanches flottants sur de vertes prairies, la Zélande fidèle à elle-même…

zélande_pano

Une petite brise de sud-est se lève et je ne peux m’empêcher d’envoyer le génois. Il se remplit lentement. Nous le découvrons pour la première fois. Je reprends doucement au winch. Moment magique. Notre premier bord à la voile sur Pandorak!

voile

Seul Richard manque au tableau. Je l’appelle illico pour lui annoncer le lieu de notre accostage de ce soir : Willemstadt !

Willemstadt

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