Thyborøn, dernière escale possible au nord de la côte occidentale du Danemark, apparaît sur notre tribord.
À 8 miles des côtes, le réseau GSM m’a permis de télécharger in extremis le dernier fichier grib de la journée. Et ce qui s’affiche sur mon téléphone n’est pas bon. 25 nœuds de SE, tournant SW en soirée. Skagerrak, le détroit séparant la pointe nord du Danemark de la Norvège, est un coin réputé pour lever une mer mauvaise dès force 5. La fosse norvégienne atteint ici une profondeur de 700 m, ce qui en fait la zone la plus profonde de la Mer du Nord. L’inscription sur ma carte Admiralty est éloquente à ce sujet :
CAUTION: DANGEROUS WAVES.
J’hésite. Kristiansand, notre objectif sur la côte norvégienne, n’est plus qu’à 90 NM. Si la prévision est bonne, ça devrait le faire… je laisse Thyborøn sur tribord.
C’est Michel, un français rencontré à Esbjerg, qui nous a recommandé ce port d’atterrissage. Aux termes d’une nuit de beuverie, il nous a sommés de reporter notre départ prévu à l’aube pour filer remplir la cale de bières danoises et éviter ainsi les futures pintes norvégiennes à 10 €. Nous nous sommes exécutés et sommes partis avec la deuxième marée, à 16h00. À la lecture de ce mauvais grib, je regrette maintenant de ne pas être parti plus tôt.
Les côtes danoises n’ont pas encore complètement disparu que le vent commence déjà à monter. Pandorak file à plus de 7 nœuds, le premier ris est pris. De retour au cockpit, la vitesse ne semble pas avoir diminué. J’attends quelques secondes : 7,8 nœuds. Je repars en pied de mât et prends le 2ème ris, plus 4 tours dans le foc. Quelques minutes plus tard, le speedo repart à la hausse. 3ème ris. Toujours à 7 nœuds. Pando ne veut pas ralentir. Le stress monte. Coup d’œil sur la carte. Plus possible de faire demi-tour sur Thyborøn dans ce SE. Le piège se referme : il faut tenir jusqu’en Norvège. Ma gorge se serre. Déjà sur le pont toute la nuit, j’attaque cette navigation fatigué et les 15 heures qu’il nous reste s’annoncent éprouvantes.
Le foc est entièrement enroulé et la bôme bloquée au grand largue, frein souqué à bloc. Les vagues ont commencé à prendre de la hauteur et le ciel est blanc. 30 nœuds de vent : la mer aussi commence à blanchir. Mon ciré prend l’eau, je descends me changer. Ruud est dans la couchette cercueil, nos regards se croisent mais nous échangeons peu de mots. Pando chevauche chaque vague. Se mettre à la cape ? La simple idée de subir la dépression pendant des heures à la dérive m’est inconcevable.
Les rafales atteignent maintenant 40 nœuds. Prostré dans le cockpit, je suis tétanisé par le spectacle. Le hurlement du vent dans le gréement, surtout, est insupportable. Les minutes et les heures s’égrènent au ralenti. Pour rester manœuvrant, j’ai gardé le bout de grand-voile. À l’intérieur, c’est le rodéo. Le visage de Ruud émerge de la descente, qui reste fermée par sécurité. La vue de toute cette eau à courir est désespérante. Soudain le ciel s’éclaircit et le vent semble mollir légèrement. Nous devons être dans l’œil de la dépression. Comment exprimer le réconfort d’un rayon de soleil au cœur d’une tempête ? Puis le ciel se referme. Place au front froid : c’est un cours de météo en situation réelle, bien loin des lectures hivernales.
Ma bouche est sèche mais je ne bois toujours pas. Ces choses-là n’ont plus aucune importance. Des éclairs éclatent. Le cauchemar est complet. Le vent a sauté au SW, Pando navigue bâbord amure. 2 trains de houles différentes se croisent maintenant et Pando se retrouve parfois travers aux lames. Le cap initial est abandonné, nous mettons en fuite. Il n’y a rien d’autre à faire. Je pousse Ruud à se recoucher. Inutile de rester à 2 sur le pont. Mon esprit s’engourdit, s’échappe par moments. Puis se réveille violemment, comme un conducteur assoupi quelques secondes sur l’autoroute. Mes enfants me rouvrent les paupières de force.
C’est mon baptême. Il n’y a absolument aucune espèce de plaisir, même infinitésimal, à en attendre. À force d’éviter le mauvais temps, on finit par ne plus s’y préparer. Sous GV arrisée seule, Pando frôle parfois les 9 nœuds. Sa quille longue gravit les vagues comme un cheval. Il encaisse les coups de gîte, se cabre, hésite un instant puis repart de plus belle. Brave bête.
Le GPS ne sert plus à rien depuis longtemps. Il n’y a pas d’autre cap à suivre que celui qui présente la poupe aux plus grosses vagues.
23h00. La nuit tombe. Je suis dans un état de fatigue psychique et physique inconnu. Je me mets à parler français à Ruud, qui me regarde avec des yeux ronds et finit par s’énerver. Dans quelques heures nous devrions être à l’abri des côtes norvégiennes. Enfin, la lumière d’un phare scintille à l’horizon. Le vent, dévié par la côte, passe à l’ouest. Les vagues diminuent. C’est bientôt fini. Reste à négocier les centaines d’îlots et de rochers qui parsèment cette côte déchiquetée. Une arrivée de nuit en terre inconnue n’est jamais conseillée. Encore moins en Norvège. Je démarre le moteur. Dans quelques heures, nous y serons. 36h en mer. C’est fini. Les jambes tremblantes, le corps vide, nous déambulons dans les avenues silencieuses de Kristiansand, sous la lumière chaude des lampadaires. Il est 4h du matin. La coupe Danemark promise attendra, une modeste glace au chocolat dans une station service fera l’affaire. Devant nos cirés et nos mines hirsutes, le gars à la caisse semble craindre un instant le braquage.
Nous revenons de loin, très loin. La leçon est apprise, incrustée pour longtemps quelque part au fond de la rétine.
My friend — it’s good to see you are sailing once again!
Dear Tim,
How is everything going on? I wish you the best for 2017!
Well, I haven’t gotten very far on Pando II, as I’ve been fighting to get custody of my son, which took a lot of time and effort. I’m happy to say that my fight was successful and we’ve been having a great time. together. My son was 16 in November, and he’s got a lovely and creative girlfirend (and she’s an « older woman » — by a year.) Woo-hoo.. I’m really looking forward to teaching them both how to sail this summer.
I’m looking at a Dockrell 27, as Pando II’s probably several years from getting back on the water. The Dockrell is another sad story for our times. The hull is immensely competent — a proven blue-water boat, which has less than 1 metre draft. The previous owner installed a new engine, fitted new sails, and did a lot of other work. He then had a stroke — he’s 80 years old.
No one wants the Dockrell, as it’s relatively slow boat upwind, and people don’t understand the benefit of a cutter rig and full keel. I can get it for pennies on the dollar, and it’s in fantastic shape.
If you want to continue your North American adventure, I’ll bring it up to Montreal No use dealing with Trump. I think I can trust you with my boat.
Cheers, Fair Winds, and Happy New Year.